Anticor se développe dans le sud-est.

Publié le par CHANTAL MAIMON

 

 

Discussion avec Séverine Tessier, porte parole nationale de l’association Anticor. Pour elle, qui vient de s’installer sur la Côte d’Azur, il s’agit de développer un véritable contre-pouvoir citoyen.

 

En quelques mots, Anticor ?
Nous avons créé l’association avec Eric Halphen en 2002. L’idée était d’associer des élus, des magistrats et des citoyens autour d’un intérêt général, et non pas partisan. Nous avons constaté que la décentralisation avait décentralisé la corruption, et que les nouvelles féodalités locales n’avaient pour la contrer presque plus de contre-pouvoir. Les chambres régionales des comptes, les préfectures ou les collectivités n’arrivent pas à faire face à mesure que les dossiers se complexifient. Nous voulons rééquilibrer les choses, incarner ce contre-pouvoir en utilisant les outils de la République, de manière à montrer les failles qu’utilise la corruption et le détournement d’argent public. D’ailleurs, alors que se profile une prochaine loi de décentralisation qui renforcerait le rôle des régions, nous proposons le concept de partenariat public citoyen. Cela passerait par exemple par la création de commissions d’appels d’offres citoyennes.

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Vous venez de vous installer sur la Côte d’Azur, terre propice en matière de corruption… Ceci explique cela ?
En venant dans les Alpes-Maritimes, j’ai fait un choix de vie et formulé le souhait de développer ici les réseaux anti-corruption. A l’aide de renforts et du groupe qui se constitue, nous travaillerons également sur le développement de nos actions en Corse et en Italie, en relation avec les associations de lutte contre la mafia qui existent déjà.
J’ai été élue dans les Hauts-de-Seine et en Polynésie, et j’ai constaté que les mêmes causes produisent les mêmes effets partout. Ceci dit, il y a des spécificités selon les territoires, et sur la Côte d’Azur, les pratiques incriminées sont souvent liées à l’urbanisme. Nous ouvrirons l’œil également sur les marchés publics et la manière dont ils sont conclus. Nous allons nous attaquer prochainement à des abus constatés sur des délégations de service public autour de l’eau et de la gestion des déchets, notamment du tri sélectif. Pour ce qui est de l’eau, cette gestion déléguée est souvent matière de pratiques d’influence, et les cabinets d’audit qui établissent un diagnostic de l’état du réseau et des coûts pratiqués, sont souvent favorables aux DSP.   

 

Vous parlez de l’Italie. A 20 mn de Nice, la ville de Vintimille est depuis un an sous la tutelle de l’Etat.
Je sais qu’en Italie, plusieurs associations font un travail remarquable. Je me rappelle avoir goûté un vin provenant des terres de Corleone, confisquées par l’Etat grâce à l’action de l’association Adiopizzo !
Mais nous éprouvons une crainte face à cette situation. Le problème serait que sous prétexte d’une corruption généralisée, des collectivités soient placées sous tutelle et que cela ait comme effet final une privation de libertés. C’est pourquoi il faut qu’on aille vite.  

 

Les pratiques de corruption se complexifient grandement au fil du temps ; remonter le fil jusqu’à la pelote devient, semble-t-il, long et dur.
Les techniques de corruption se sont en effet énormément complexifiées. Le lobbying instaure la corruption. Les grands groupes salarient des personnes qui sont susceptibles de jouer de leur influence auprès des élus décideurs dans les marchés publics, par exemple en faisant voter des amendements qui servent leurs intérêts et qui leur permettent ensuite d’obtenir des avantages, des nouvelles constructions, pour s’adapter aux nouvelles normes, etc… Des choses dont ils sont bénéficiaires directs, c’est ainsi qu’ils créent en quelque sorte l’offre et la demande en allant cibler les élus au travers de leurs actions de lobbying. Ces sociétés ont donc la mainmise sur le processus décisionnel. Ici intervient la technicité des normes et des lois qui sert d’écran de fumée. On impose aux élus locaux des processus qu’ils ne maîtrisent pas. Lorsque j’étais élue dans les Hauts-de-Seine, je me souviens avoir du m’exprimer, à l’instar de mes collègues, sur des choses que nous ne maîtrisions pas forcément.
Il y a une règle en la matière, plus c’est technique, moins c’est démocratique. Un travail colossal est à faire pour restaurer la démocratie. Aujourd’hui, nous n’en avons plus que l’emballage. Il faut que nous développions une ingénierie citoyenne.   

Pour qu’il y ait des corrompus, il faut des corrupteurs…
Oui, il faut montrer les deux bouts de la chaîne. Nous venons de créer un pôle économique à Anticor que nous avons gentiment appelé Cleanstream. Nous avons auditionné énormément de monde pour avoir une idée concrète de l’univers que l’on combat. Désormais, nous plaidons pour la conditionnalité en matière de marchés publics. Les entreprises qui répondent à l’appel d’offres doivent montrer patte blanche et prouver leur bonne foi. Nous pourrions aussi faire campagne sur la culture de la vertu, mais il faudrait alors changer complètement de modèle…
Notre concept des lanceurs d’alerte pour mettre au jour les trafics d’influence devra être consolidé par des récepteurs d’alerte dont l’indépendance est garantie. Pourquoi ne pas mettre en place un numéro vert d’où le Service central de protection contre la corruption répondrait et disposerait d’une brigade pour diligenter une enquête minutieuse ?

Votre thèse plaide pour que les citoyens s’emparent de la question et demandent des comptes aux élus. Mais, si l’on réfléchit en termes électoraux, on constate que plusieurs élus condamnés ont été réélus par la suite. Ne parle-t-on pas de prime à la casserole ?
C’est un tort. Il n’y a pas de primes à la casserole, et au contraire, les élus concernés ont souvent payé électoralement leur comportement. Je parlerais plutôt d’une prime à l’éthique.
Mais pour régler ce genre de problèmes une fois pour toutes, nous demandons que chaque prétendant à un mandat politique présente une absence de condamnations pour pouvoir se présenter. Cela deviendrait une clause d’éligibilité. Un fonctionnaire ne doit-il pas avoir un casier vierge pour prétendre occuper sa fonction ?  

 

Avez-vous des ambitions électorales ?
Non, je n’en ai aucune.   

Propos recueillis par Rafael Fardoulis ( Le Patriote)

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